Evolution ou révolution ? L'art numérique en question – 10-2001
Magazine L"éventail – Article de Christophe Dosogne. – P. 60.
Bien dans la lignée de sa programmation vouée à l »application de lart au quotidien, Françoise Mortier, directrice au GPOA, organise une exposition sur les évolutions les plus actuelles de l’art. En effet, s’éloignant progressivement des techniques traditionnelles héritières du XXIXe siècle, les artistes en appellent désormais à tous les médias. Il en va ainsi du numérique, ou image numérisée qui, depuis les années soixante et le développement de l’informatique à grande échelle, ne cesse d’envahir et de modifier les rapports humains. Cette évolution technologique, qui transforme la société en profondeur, est à l’origine de la mondialisation des échanges et de l’homogénéisation de la conscience humaine. Désormais, chacun peut utiliser les mêmes données sur des supports différents. L’évolution actuelle est très complexe. L’ère binaire (le fameux 01) représente une facilité de travail accrue pour les artistes en leur permettant de montrer autrement les effets spéciaux, digitaux et autres projections photographiques. A la base pourtant, il ne s’agit pas d’art, mais bien d’un médium fonctionnel complètement dénué de poésie. Mais le propre de l’artiste est justement d’en faire de l’art. Historiquement, face à d’autres secteurs tels que l’armée ou l’économie, celui-ci vint tardivement au numérique car méfiant vis-à-vis de toute technologie. La démarche artistique est avant tout le fruit d’un cerveau, d’une création qui suspecte tout. Qui plus est, le code numérique est assez loin des instruments plastiques habituels. Les premières expériences artistiques sur l’image cinématographique, qui jetèrent les bases de ce qui suit, datent des années cinquante. Les pionniers du numérique furent Nam June Paik en vidéo et Malcom Mac Laren dans le domaine du travail de l’image. Les décennies 60-70 furent des années de doute car, par leur masse imposante, les ordinateurs n’offraient pas de possibilité d’application directe aux artistes. Seule l’essence même de leur fonctionnement, l’algorithmique, était alors accessible. Avec la miniaturisation et l’apparition, dès la fin des années quatre-vingt, d’une informatique grand public, la donne a complètement changé. Le numérique permit alors de décloisonner, de remettre en contact des disciplines totalement étrangères entre elles : le monde des technologies et le monde de la création. L’usage accru du numérique en art peut-être désormais considéré comme une révolution identique à celle de l’apparition de la photographie et du cinéma. Mais travailler avec l’informatique et s’accaparer les possibilités inédites qu’elle offre n’est intéressant pour l’artiste que dans la mesure où il y donne un sens. Comme le peintre sur sa palette choisit une couleur par rapport à sa symbolique, l’artiste informaticien doit pouvoir personnaliser son outil, faute de quoi il demeure esclave de la machine. Le potentiel de création est un des atouts majeurs du numérique de même que sa capacité de communication. Par la mise en réseau des échanges et l’accès illimité à l’information, la citation et l’emprunt à autrui font partie intégrante du travail des artistes du multimédia. Ils participent d’un vaste mouvement qui met à mal les codes de communication et qui, sous peu, aura sensiblement modifié l’ensemble des échanges. Pour illustrer ce qui constitue aujourd’hui une préoccupation quotidienne pour beaucoup, la GPOA a fait appel au talent d'artistes belges, une trentaine au total, venus proposer chacun sa propre révolution artistique.
Christophe Dosogne.